RVF [retour vers le futur] 2, le Japon.
"Alors on est partis..."
[C'est une private joke pour Lutsi avec qui, petites, on ne supportait
pas que quelqu'un raconte quelque chose sans commencer par le début. Et vu
qu'on vivait avec des gens sympas, tout le monde se pliait à nos exigences en
commençant par cette phrase rituelle. Ce qui fait qu'on n'a jamais développé de
sens de la concision. Ce qui fait qu'aujourd'hui je vous raconte mes aventures
par le menu, alors que vous voulez juste savoir si j'ai déjà des coups de
soleil... Mais, ah ah ah, ah ah ah, patience !!!!]
Donc on est partis, et on est arrivés 12 heures plus tard. Moi j'adore prendre
l'avion alors je serais bien restée un peu plus, y'a toujours des trucs à
picoler et à grignoter et une drôle d'ambiance feutrée qui me plait bien. Tout
le monde se ballade en chaussettes avec des drôles d'airs ahuris sans savoir
vraiment quelle heure il est. D'ailleurs j'ai profité de cet imbroglio temporel
pour me taper une petite binouze avec mon plateau de petit dej' de 6h du matin
[juste avant l'arrivée], arguant qu'il était seulement 22h à Paris.
Donc on a retrouvé Lutsi dans son élément, et c'était drôlement chouette. On a mangé quelques crevettes sucrées-salées et mini poissons au sésame avec des drôles de pâtes [somen] et du [nato] visqueux et filandreux, et puis on a filé en vélo toutes les deux et voici sur quoi on est tombées :
«Uh uh», ai-je
hululé, et j’ai raisonnablement acheté deux petits livres.
...Oui, je vous entends
pousser des hurlements de putois, de « comment ça ‘deux petits livres’ si
elle est au royaume de la japono-couturade cette imbécile !!!! »,
oui, je vous entends. Mais sachez que je suis anti-matérialiste, je
n’aime pas acheter (ni même vraiment avoir) des choses (ce qu’on traduit également par radinerie – mais
on se trompe ! enfin, je crois…), que les prévisions climatiques
antillaises réduisent mon champ d’action couturesque, et que je n’ai pas de
petite fille mignonnette sous la main pour lui coudre des jolies tenues comme
en regorgent les livres de couture.
Bref, deux petits livres, que je vous montrerai dès que je rebrancherai la MAC, ce qui est toujours pas fait. CQFD.
- nuits blanches dans des clubs un peu pourritos de hip-hop tenus par des Africains (dont le fameux Tokyo Loose qui portent bien son nom mais où on s’est franchement bien marrés avec nos amis Nigérien, Philippin et Japonais aussi quand même !)
- concert punk à Nakano avec des groupes tokyoïtes formidables
- ballades dans la ville et sur la rivière
- shopping de couillonnades pour nous et les amis
- théâtre kabuki (bon, là j’ai losé, je me suis endormie…)
- visites de temples en-veux-tu-en-voilà
- trek de 13 km dans la
montagne à Kamakura après avoir dormi 3 heures et avec une bouteille d'eau pour 4
- marché aux poissons à 6h du mat’ après avoir dormi 3 heures
- re-nuit blanche au Key Club et au Tokyo Loose et direction l’aéroport à 8h30 du mat’ dans la foulée.
Toute cette semaine de
folie ponctuée de repas incroyables, Japonais, Coréens [yakiniku], des
brochettes à Koenji, des sushis, des petites boules de riz aux algues, des
glaces à la patate douce ou au thé vert, des drôles de trucs [monjayaki] et
omelettes incroyables au chou [okonomiyaki] dans le quartier Sukichima, des
bières et des tequila sunrises (pas très local, mais tellement bon !) à
Shinjuku-Kabukichooooo.
Avec mon poto, on avait chacun notre carnet de vocabulaire que Lutsi abreuvait de petites phrases et expressions usuelles, et on tentait de parler aux japonais avec tous ces mots qu’on apprenait en douce quand l’autre n’était pas là. C’était très drôle, mais je dois avouer qu’il assurait bien mieux que moi. Faut voir que j’inaugurais mon carnet [qui deviendra carnet de créole dans un prochain épisode], alors que le sien était déjà couvert de mots et d’expression bambara [pas très utiles cependant dans cet environnement du soleil levant, mais on sait ce qu’il en est des langues étrangères et de l’impact positif d’une pratique régulière et diversifiée…d’où ma nouvelle passion pour le créole. Oh, mais patience on a dit !]
Sinon,
question décalage horaire, on n’est jamais vraiment rentrés dans le rang. Faut voir
qu’entre nos nuits blanches en boites et les supermarchés ouverts 24/24, on
trouvait toujours des trucs à faire lors de nos retours tardifs à la
maison :
- des mèches blondes à 3h du matin [au grand dam de mon camarade de chambrée, anxieux depuis l’autre bout du globe…]
- manger des œufs de saumon [ikura] avec des bagels à 4 h
- couper les cheveux de Lutsi sur la terrasse, etc.
Lutsi qui, un peu fâchée par sa nouvelle tête, nous a suivis bon-gré-mal-gré dans
notre rythme de folie, se dégageant beaucoup de temps pour nous faire découvrir
sa ville.
Finalement,
on a dû partir un jour plus tôt, et on était à sec alors ça tombait bien. Mais
malheur, ça a zappé la demi-journée prévue pour acheter des tissus ! On
est donc repartis épuisés vers l’aéroport, quittant Lutsi qui partait
travailler, et on a sauté dans l’avion.
Par principe, plus que par envie, j’ai
bu une coupe de champagne, j’ai résisté le temps du repas, puis je me suis
endormie pour au moins 7 heures d’un sommeil ô combien attendu. C’était
vraiment le pied. On s’est réveillés, on a mangé des esquimaux Fauchon et là
j’ai regardé un film incroyablement fin et juste qui m’a fait verser toutes les
larmes de mon corps : Il y a
longtemps que je t’aime. Alors là je vous le recommande – comme à tout le
monde que j’ai rencontré depuis – il est terrible. Je n’en dis pas plus,
regardez-le, c’est tout. Donc j’avais les joues toutes mouillées, le casque sur
les oreilles, face à mon petit écran perso. Et puis le générique de fin a
commencé et je me suis mise à sangloter franchement. Et c’est là que le steward
en chef a décidé que ça suffisait la sieste et l’ambiance cosy, et hop, on
rallume les lumières générales et distribution de serviettes chaudes pour tout
le monde. Bon, du coup j’avais l’air un peu ridicule avec mon nez rouge et mes
yeux de lapin myxomateux, alors que d’autres ricanaient devant un film ou l’autre.
Donc, on est
arrivés, et direct je me suis fait prendre la tête par un gars à la gnouffeuse
de Château rouge. Après une semaine smooth, sans klaxon dans les rues, sans
altercations, sans présence policière, sans graffitis ni autres papiers qui
trainent dans la rue, dans un ordre frisant l’asepsie sociale, c’était le choc.
Au moins, on savait qu’on était de retour et on retrouvait nos roots, bloody roots, comme braillaient
les gars de Sepultura lors d’un voyage mystique en Amazonie.
Sur ce on a
enchainé sur une fête avec les amis, puis une fête chez les voisins et on s’est
encore couchés à point d’heure. Puis un café par ci, un apéro par là, des velib
et des promenades dans un Paris ensoleillé, un henné orange sur mes mèches
blondes et c’était reparti pour une dernière fête d’adieu entre amis.
Le lendemain, riant de tous ces souvenirs formidables, je prenais le train direction chez ma grand-mère où je devais récupérer le marcassin joyeux et l'autre animal poilu avant de filer vers les tropiques.
[ouf, on y arrive !!!]